Carnet n° 547 du 25 mars 2019

« Les trois violences »

J’ouvrirai ce 547ème carnet par un texte de Dom Hélder Pessoa Câmara, plus couramment appelé Hélder Câmara, né en 1909 et mort en 1999, évêque catholique brésilien et archevêque d’Olinda et Recife, connu pour sa lutte contre la pauvreté, un texte que j’ai déjà cité deux fois dans mes carnets mais qui, non seulement « reste » mais « est », jour après jour, de plus en plus d’actualité, en particulier depuis 20 semaines en France, un texte qu’aujourd’hui je reprendrai dans son intégralité :

« Il y a 3 sortes de violence :

La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions (et des milliards) de femmes et d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.

La seconde est la violence révolutionnaire qui nait de la volonté d’abolir la première.

La troisième est la violence répressive qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.

Il n’y a pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui (blesse et) la tue ».

Cela fait 20 semaines, en effet, que M. Macron et les siens se plaisent à ignorer avec mépris d’abord et agressivité ensuite, les raisons de ces mécontentements et colères populaires sur des ronds-points, dans des rues, sur des places, mais aussi dans les appréciations portées par tous les Français(es) qu’expriment les sondages et les cahiers de doléances ainsi que les expressions citoyennes quotidiennes en tous lieux et à toutes heure…

La semaine écoulée en fut un triste exemple avec la manière, les discours et certaines explications des raisons et des conditions d’appel à l’armée.

En certains instants, j’ai cru « halluciner »… en entendant les propos de la part des dirigeants d’un pays qui possède une des premières armées au Monde et qui, sur cette base, se plaît à donner des leçons au monde entier et à intervenir militairement en plusieurs endroits…

Fi donc, la lutte contre le terrorisme auquel nous sommes durement confrontés…, nos soldats de l’opération Sentinelle, faite depuis des années pour nous défendre, se sont vus intégrer le dispositif de maintien de l’ordre contre quelques dizaines de milliers de manifestants répartis sur l’ensemble de notre territoire.

Non seulement « le pouvoir en place » « flirte » (et le mot est faible) avec nos valeurs Républicaines, mais avec son entêtement de départ il aura provoqué durant 4 mois des désordres, de la casse, du chômage et des coûts, sans oublier que, durant le même temps, les forces de police et de gendarmerie, ainsi mobilisées et souvent épuisées, ont « déserté » nos villes avec, comme corollaire, davantage d’actes de délinquances, de vols, de cambriolages et de voitures brûlées (on sait ce que c’est à Villeneuve d’Ascq depuis quelques semaines).

Si j’ajoute à cela, y compris cette dernière semaine l’appel à l’armée dans le cadre du maintien de l’ordre, l’affaiblissement de fait de notre « bouclier anti-terroriste » interne ou à nos frontières, nul doute qu’il n’y a que du négatif dans la façon de gérer un conflit au départ social et parfaitement justifié dans ses raisons et objectifs.

Et ce n’est pas en allongeant le temps entre la fin du soi-disant « Grand Débat », (qui aura été un grand et légitime exutoire de la part de centaines de milliers de citoyen(ne)s) et le nécessaire moment où des réponses leurs seront « apportées » par le Président Macron qui est à son origine, qu’on apaisera la situation, sauf si Monsieur Macron, qui avait « souhaité » en son temps que soit « fêté » le cinquantenaire de Mai 68, aura finalement tout fait pour que ce qui ne fut pas en mai 2018 le soit en 2019 (avec donc un an de décalage et avec surtout à l’Élysée et Matignon, ni Charles De Gaulle, ni Georges Pompidou).

D’où mon angoisse à la veille de la période avril-mai-juin 2019, une période que, j’ai dit plusieurs fois et que je répète en le regrettant, (n’étant pas ni M. Mélenchon ni Mme Le Pen) pouvait déboucher sur le pire du niveau national au niveau Local, d’une dissolution possible de l’Assemblée Nationale, à des bouleversements sans limites au niveau des municipalités en mars 2020 (avec disparition complète des forces démocratiques de gauche et du centre…),

sans oublier bien sûr, l’Europe, sa situation et son avenir, d’un Brexit enlisé et une Grande Bretagne en crise à la poussée de nationalismes et de populismes mortifères, une Europe « marquée par la chute libre » des forces démocratiques, (quand on voit qu’en France il n’y aura même plus de liste portant le nom de socialiste), une situation où l’Européen que je suis depuis mon enfance militant et partisan d’une Europe qui doit cesser de n’être plus qu’une Europe économique, libérale et financière mais qui doit redevenir une Europe qui transcende les États qui la composent avec leurs valeurs, histoires respectives, cultures, racines et dimensions humaines,

oui je l’avoue, l’Européen que je suis et ce, pour la première fois, à deux mois du scrutin, ne sait toujours pas pour qui il va voter, comme je ne sais plus si, dans la tourmente à venir alimentée par « les pires acteurs du pire et leurs complices », j’aurai la force et les moyens de continuer mes combats.

Clairement « je ne veux pas y laisser ma peau »…

Et pourtant l’Europe est une belle aventure, sans laquelle aucun des États qui la composent n’existerait encore vraiment dans le monde d’aujourd’hui. Nous en avons reparlé mardi dernier au château de Flers lors d’une belle conférence de « Citoyen d’Europe ».

Et pourtant, la France, notre patrie, est un beau pays. J’en fais le constat tous les ans quand je la traverse de part en part, du nord au sud l’ouest à l’est, des plaines aux montagnes, des mers aux océans, avec des rivières, fleuves, châteaux, clochers, champs multicolores, plats du terroirs, cultures, chants et traditions…

Je le ferai une fois encore en juillet prochain, en espérant que ce ne soit pas la dernière fois.

Et pourtant, la MEL est devenue une grande Métropole qui a su grâce à Augustin Laurent, Arthur Notebart, Pierre Mauroy, Martine Aubry, Damien Castelain, tous ses élus et tous ses fonctionnaires, avec l’aide des partenaires économiques, sociaux, associatifs et citoyens, passer en quelques décennies du 19ème siècle au 21ème siècle.

Puisse-t-elle, en 2020, dans l’unité et le rassemblement, continuer sur cette voie !

Et pourtant Villeneuve d’Ascq, ma ville, notre ville, montre chaque jour son attractivité et son dynamisme à tel point qu’il nous faut les maîtriser et canaliser les ambitions de « bâtisseurs privés» pour garder à notre ville cette dimension humaine, citoyenne, de nature et demain nourricière qui fait qu’on l’aime (et ce, même si ce n’est pas facile vu le peu de pouvoir que l’État laisse, de fait, aux Maires et élus locaux).

Tout ce qui s’y est encore passé cette semaine le prouve

avec des enfants en visite pédagogique du chantier « Grand Angle » de la rue des Victoires (une rue que je proposerai aux Villeneuvois de baptiser du nom de Simone Veil en ces temps où il faut nous rappeler notre histoire et nos valeurs),

avec aussi des dossiers qui avancent avec tous nos partenaires pour parfaire les réhabilitations de logements, assurer les continuités, aménager sans réduire les espaces agricoles pour répondre aux urgences alimentaires de demain, pour y développer toutes les formes de cultures villeneuvoises,

rappeler « l’Histoire » avant le 75ème anniversaire du Massacre d’Ascq des 13 et 14 avril, la Journée des Déportés du 28 avril et après le 19 mars aux côtés d’anciens d’Algérie, et avant le 1er mai…

J’ai eu bien des occasions de m’exprimer devant bien des publics, y compris de fonctionnaires communaux et métropolitains dont une large majorité est toujours à la tâche… au service de tous.

J’ai aussi rencontré quelques futurs élus villeneuvois « possibles », rappelé la Mémoire du colonel Beltrame, travaillé sur les moyens de garantir au mieux une citoyenneté à part entière, de la naissance à la mort, discuté d’un plan bus à améliorer et du schéma de mobilité 2035, et bien sûr lutté pour nos valeurs et contre les communautarismes et les radicalisations.

Somme toute, comme d’habitude, « je n’ai pas chômé » ni lésiné sur mon énergie déployée à tous les niveaux, … jusque parfois, aux limites de l’épuisement.

Mais je le dois à mes concitoyens, je le dois à ceux qui me font confiance, je le dois à tous ces jeunes qui, par centaines de milliers, se battent et défilent pour l’avenir du monde et donc leur avenir.

Finalement, après cette semaine, mes discours et ce carnet, Maxence Van der Meersch aurait sans doute pu dire aussi de moi :

« Il aimait parler. Les mots lui venaient en abondance (et parfois un peu trop), et préparaient le travail de la plume ».

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