MAI 68

”Mon Mai 68 à moi”. J’avais 23 ans et j’étais étudiant, salarié et marié. Il ne fut ni médiatique, ni violent et parisien… il fut clermontois, “basiste”, et agité.

 

Cela commença d’ailleurs bien avant le ”Mouvement du 22 mars”, devant la Préfecture de Clermont-Ferrand. Nous n’étions alors que quelques dizaines à manifester pour la défense de la Sécurité Sociale (déjà).

 

Au demeurant, il m’est aujourd’hui difficile de résumer ou de décrire une période pourtant bien courte, mais si dense, que ce mois de mai reste un des moments les plus importants du 20ème siècle dans la mémoire sinon l’imagerie populaire.

 

J’en parlerai donc par petites touches, images, odeurs.

– La fac de droit et de sciences économiques la nuit : c’est la première fois que nous la voyions ainsi. La décision de l’occuper avait été prise. On était venu me chercher chez moi. Je découvrais un nouvel univers, bien différent de l’ambiance feutrée du jour.

– La manif. du 13 mai : nous sommes des dizaines de milliers sous le soleil, déterminés à changer la société et convaincus que nous allions gagner !

– Celle du 31 mai, (17 jours plus tard), tout aussi imposante… mais gaulliste. Je suis seul au bord du trottoir à contre-manifester, le poing en l’air en chantant ”l’Internationale” sous des tombereaux de regards et de cris haineux.

 

Entre temps, à la radio, sur EUROPE 1, on entend Dany le Rouge et bien d’autres…des cris, des chants, les évènements pour la première fois en direct.

 

Parallèlement, Mendès-France et Mitterrand sont prêts à “prendre le pouvoir” à Charletty.

 

De Gaulle est avec l’armée française de Baden Baden, en Allemagne.

 

Le monde ouvrier et syndical s’est mis en marche avec réticence derrière des étudiants gauchistes…

 

Pompidou est prêt à négocier avec des syndicats qui ne demandent que cela…

 

A Clermont-Ferrand, sur la place de Jaude, tous les soirs, c’est l’odeur âcre des gaz lacrymogènes, le bruit sourd des bottes de CRS qui chargent (on entend le bruit avant de les voir quand on n’est pas en tête de cortège).

 

Une expédition : la traversée d’une France hérissée de drapeaux rouges pour venir voir mes parents à Laon, en Renault 8, avec des jerricans d’essence dans le coffre pour cause de stations services fermées…

 

Ma jeune soeur qui, toute fière, vient de se mettre en grève, ce qui provoque une colère inquiète de mon père pourtant d’accord avec le mouvement. Etc,etc,…

 

En février 68, militants de la FGDS de François Mitterrand, nous n’étions pas très nombreux avec quelques étudiants du PCF et quelques PSU à représenter la gauche à Clermont-Ferrand.

 

En mai 68, nous fûmes brutalement submergés par les nouveaux révolutionnaires.

En juin 68, nous restâmes une poignée à discuter de la Réforme de l’Université et, pour ceux qui, comme moi, travaillaient l’été, à devoir subir le report des examens en septembre.

 

De Gaulle était revenu avant d’être chassé un an plus tard par les siens. Pompidou était au sommet, ce qui va irriter le Général.

 

Mitterrand allait retraverser un désert et Mendès-France s’effacer définitivement dans le sillage de Gaston Defferre en 1969, lors des présidentielles où il obtint à peine plus de 5%.

 

Et pour clore le tout, en juin toujours, je vais faire la campagne d’un candidat socialiste dans les campagnes de l’Aisne encore terrorisées par les voitures qui brûlaient dans le Quartier Latin à Paris.

 

Il n’y avait alors quasiment personne aux réunions publiques et il y eut ensuite très peu de bulletins socialistes dans les urnes.

 

Aux élections législatives générales, les gauches seront, comme jamais, réduites à leur plus simple expression avec quelques dizaines de députés au total.

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