25 avril 1983 – Visite de François Mitterrand à Villeneuve d’Ascq

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République

Monsieur le maire,
– Mesdames et messieurs,
– Je suis revenu à Villeneuve d’Ascq pour plusieurs raisons. La première, c’est une raison d’amitié. A deux reprises, cela vient d’être rappelé par votre maire, j’ai participé, d’une certaine façon, à votre vie. C’était l’époque d’un autre combat et il était important de compter sur la compréhension de bons compagnons, partageant les mêmes aspirations et soutenant les mêmes luttes. Mais, déjà nous étions tous soulevés par les mêmes perspectives qui étaient à nos yeux les perspectives nationales.
– Je me souviens de cette époque, sans nostalgie – les responsabilités d’aujourd’hui sont exaltantes aussi – mais par un retour sur moi-même, sur nos actes passés que vous avez, en bon nombre ici, mesdames et messieurs, et vous, particulièrement, partagé.
– La deuxième raison sera également celle d’un souvenir d’un autre ordre, celui qui me revenait à l’esprit alors que je me trouvais devant le monument dont j’avais posé la première pierre, « le Tertre des Massacrés », que les familles des « Massacrés », le regard presque absent, étaient là, à nos côtés, près de cette voie de chemin de fer où l’esprit national s’était vaillamment affirmé. Villeneuve d’Ascq, la vieille ville d’Ascq et ses morts glorieux valent bien que le chef de l’Etat vienne se recueillir, valent bien qu’il s’y recueillit en dehors de tout périple officiel, simplement pour célébrer les vertus profondes des Français lorsqu’ils se lèvent pour la défense de la patrie.\
La troisième raison est celle de la confiance que j’ai dans la capacité des gens du Nord, parmi d’autres, de sortir de leurs ruines et de bâtir pour l’avenir. Vous êtes ici le témoignage vécu, vivant, visible d’un alliage peut-être difficile, que je crois réussi, entre des villages, des quartiers, une ville ancienne, encore intermédiaire entre la ville et le monde rural, avec ses maisons typiques qui évoquent les modes de construction des siècles passés. Tout à côté ce surgissement auquel j’ai, on le disait, assisté, lorsque nous avons ensemble inauguré cette place Léon Blum et que, venant ici quatre ans plus tard, déjà j’observai que devant moi je n’avais plus le même paysage urbain. Vous avez beaucoup construit, bâti dans la même conception d’urbanisme qui, au point de départ, a sans doute étonné mais qui finalement réalise une façon de vivre, une façon d’être qui pourrait rappeler certaines cités médiévales, tout ceci étant fondé sur les plus hautes techniques modernes.
– La quatrième et dernière raison qui explique ici ma présence, c’est qu’il est très important pour moi de pouvoir rencontrer le peuple français dans sa diversité. Cette diversité j’ai pu l’éprouver : Calais, Dunkerque, Roubaix, Wattrelos, Lille, Wasquehal, Villeneuve d’Ascq … on trouve ici, dans cette région du Nord, la variété même, le damier français et il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas de vocation spécifique et que tout cela doit marcher de l’avant, en même temps, pour que votre région dont je disais tout à l’heure, à Lille, qu’elle disposait de ses propres consommateurs, population nombreuse, villes qui s’étendent, oh ! quelquefois, qui se vident mais le phénomène urbain reste là, dominant. Et j’aurais ajouté, aisément, à l’écoute de cette population que vous représentez, mesdames et messieurs, le sentiment de voir de jeunes équipes au travail, de jeunes équipes que j’ai connues plus jeunes encore mais qui restent jeunes sans compliment particulier, simplement parce que l’état civil le dit, et qui, en même temps qu’ils voient leur ville grandir, grandissent eux-mêmes. Leur ville restera jeune longtemps. Vous venez de nous dire la moyenne d’âge de Villeneuve d’Ascq, jeune aussi par son avènement aux 60000 habitants et cela n’a sans doute pas fini de s’accroître.\
Bref, toutes les réalités vivantes, une jeunesse, une population ouvrière, artisanale, commerciale, intellectuelle, tout ceci pouvant se confondre et qui bâtit sa ville dans une région qui, elle-même – j’en ai eu le témoignage devant le Conseil régional, le Comité économique et social et les Conseils généraux du Nord et du Pas-de-Calais – a pris date pour la renaissance industrielle du Nord. Cela fait beaucoup de raisons, pour le Président de la République, beaucoup de raisons pour que je fasse étape ici. J’entends dire tant de choses, j’en lis aussi, comme si nous n’avions pas engagé, depuis deux ans bientôt, une grande action que j’expliquerai encore au-cours de ces deux journées et que j’ai commencé d’expliquer £ comme si nous n’avions pas déjà réuni de nombreux atouts gagnants £ comme si on devait seulement compter sur l’indifférence, sur la lassitude ou le manque de courage … moi, je crois au contraire à la passion qu’ont les Français pour la France, au courage qu’ils savent montrer lorsqu’il faut se battre et construire sa propre vie et la ténacité ou la persévérance qui sont là à tous les tournants de vos routes qui rappellent et qui jalonnent toute l’histoire de la France.
– Monsieur le maire, je vous remercie de m’avoir permis en m’y invitant, cette halte à Villeneuve d’Ascq. La journée n’est pas terminée car nous avons encore des choses très intéressantes à faire. Cela ne me lasse jamais de vous rencontrer. Il faut que les Français le sachent. J’y puise de nouvelles réserves d’énergie et de la force.
– Qu’il s’agisse de ceux qui approuvent la politique que le gouvernement mène sous ma conduite ou de la conduite préférée par d’autres. Tous justifient mon engagement pour cette renaissance que non seulement j’appelle de mes voeux, cela va de soi, mais à laquelle je travaille à chaque heure du jour. S’il s’établit, comme c’est le cas dans cette commune, cette sorte de pacte amical de confiance et de résolution, alors je sais que la partie pour la France sera gagnée. Ce n’est pas commode, nous rencontrons les plus grandes difficultés et le monde occidental est réuni depuis un demi-siècle et même davantage. Comme je vous le disais, il n’y a pas si longtemps, nous sommes vraiment au creux de la tempête, c’est le moment où il faut être solide au poste et continuer de croire qu’au-delà, en étant sûr de soi et des autres, il y a, une fois le grain passé, des rivages prospères. C’est vers cela que je mènerai la France, avec tous ceux qui voudront bien m’aider, qui m’aident et dont vous êtes. Comme il ne s’agit pas seulement, bien entendu, du dialogue du Président de la République et des Français mais d’un mouvement, d’un redressement national qui doivent engager chacun des Français, je souhaite que chacun des Français puisse parler comme je le fais ce soir : confiance, persévérance, espoir.
– Vive Villeneuve d’Ascq ! Vive la République ! Vive la France !

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