Carnet n° 601 du 6 avril 2020

Et si, pour changer, on parlait d’avenir ?

Certes, je suis sûr que certain(e)s de mes lectrices et lecteurs, en ouvrant mon 601ème carnet, seront surpris par son titre, un titre qui nous parle d’avenir alors que l’on est encore au cœur de la crise sanitaire du COVID-19 avec des chiffres à nous donner le vertige, aux États-Unis, en Grande Bretagne et dans l’Union Européenne, en Italie, en Espagne et en France où le nombre des 8 000 morts est aujourd’hui atteint au rythme de 400 à 500 morts, en moyenne, de plus chaque 24 heures,

alors aussi que, tout autour de nous, nous apprenons avec chagrin que des proches et des connaissances sont « touchés » dont certain(e)s meurent après une plus ou moins longue agonie,

alors donc qu’on est en droit de s’interroger, voire de s’angoisser, sur la date prévisible du « pic » et donc sur la date du « moment » espéré où l’épidémie commencera à régresser nous permettant ainsi d’entrevoir « le bout du tunnel »,

alors que certain(e)s ont déjà commencé « à régler des comptes » et parfois de manière indécente, (et je peux dire à celles-ci et à ceux-là que je ne les oublierai pas),

il est pourtant prévisible « qu’un jour venu », en mai ou en juin prochain, quand on aura commencé à s’en sortir, il faudra alors « faire les comptes », tous les comptes.

Il faudra, en effet, rechercher les erreurs commises en termes de décisions de calendriers, de méthodes et de moyens, des recherches, je le souhaite, non pas pour « lapider » qui que ce soit, mais pour en tirer toutes les leçons pour l’avenir afin que cela ne recommence pas à l’identique sinon en pire.

En ce lundi 6 avril 2020, au lendemain du jour des Rameaux, un jour où, chaque année, à Ascq on se souvient du Massacre d’Ascq du 1er avril 1944 mais un jour aussi où, pour la première fois, on n’a pas pu, en s’associant à leur famille, rendre hommage publiquement aux 86 massacrés et ce, pour cause de confinement,

un jour où je me suis donc simplement et discrètement rendu seul mettre quelques fleurs (à défaut de gerbes qu’il était impossible de confectionner) devant la stèle de Jean Roques et des plus jeunes victimes du Massacre, au pied du Tertre des Massacrés, dans le cimetière d’Ascq devant leurs tombes sans oublier, à quelques mètres de là au Monument des Fusillés du Fort de Seclin,

en ce, lundi 6 avril 2020, disais-je, j’ai voulu parler d’un avenir meilleur et des conditions certainement à remplir pour qu’il le soit effectivement,

et ce en m’appuyant sur ces mots restés célèbres d’Antoine de Saint Exupéry :

« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible »

D’une manière générale et quelles que soient les sensibilités politiques ou philosophiques de chacun(ne), une leçon à retenir :

Il ne faudra plus :

  • ni sacrifier les conditions de l’avenir au profit des « facilités » du présent,
  • ni privilégier les gains immédiats sur toutes « les conditions » nécessaires à la Vie « dans la durée »,
  • ni continuer dans la spirale infernale d’une « mondialisation » dérégulée qui nous a fragilisés
  • ni supprimer des services publics dont on a tellement besoin, comme on le voit aujourd’hui dans le domaine de la santé.

Et pour cela, il nous faudra :

  • recommencer à produire au plus près des lieux de consommation et de vie, même si cela coûte un peu plus cher,
  • cesser de gaspiller, ce qui d’ailleurs permettra de contenir les coûts globaux et nos dépenses même si, à l’unité, cela coûte un peu plus cher, tout en protégeant notre environnement et en arrêtant la désertification de nos campagnes,
  • retrouver « le sens de l’État », un « vrai sens de l’État, pour notre sécurité intérieure et extérieure dans nos pays et au niveau de l’Union Européenne,
  • cesser de considérer que nos valeurs Républicaines et laïques font partie d’un « vieux monde » dépassé, alors qu’au contraire elles sont une des garanties principales de survie de l’espèce humaine,
  • arrêter, une fois pour toutes, de mythifier les finances et les monnaies qui doivent redevenir de simples outils au service de tout le reste… et donc de l’humain d’abord…

Somme toute, la crise épidémique actuelle qui se révèle et se révèlera mortifère et coûteuse à la fois, doit nous convaincre qu’il faut « changer la vie » (« ici et maintenant »), changer nos modes de vie, changer de modes de production et de modes de consommation,

retrouver le sens du temps, du bon sens, de la proximité, de la patience, de la solidarité, des petits plaisirs et bonheurs partagés…

Dois-je et est-il utile à ce stade, en ce 6 avril 2020…. d’en dire davantage ? Pas sûr… Cela signifie-t-il que tout le monde devra être d’accord sur tout et ne plus oser se différencier politiquement ? Sûrement pas.

Mais de la même manière que jusqu’à la terrible crise d’aujourd’hui « on pouvait » s’opposer… à condition de ne pas vraiment sortir du cadre d’un capitalisme spéculatif mondialisé et dérégulé,

demain il nous faudra, pour atteindre les objectifs vitaux ci-dessus énoncés, débattre des meilleures manières possibles pour les atteindre et donc, pour cela, ne plus décider de mesures qui nous empêchent de les atteindre …

C’est donc tout le monde politique qui devra changer sa manière de débattre et donc changer la forme et le fond des partis et mouvements qui l’organisent en Démocratie.

J’y reviendrai dans mes carnets des prochaines semaines ce qui me permettra et qui permettra à celles et ceux qui partagent « une même approche de sortie de crise », de réfléchir « aux jours d’après », aux moyens de faire mieux qu’ « aux jours d’aujourd’hui » qui sont les conséquences des effets négatifs et pervers « des jours d’hier ».

Je le sentais et je le disais depuis plusieurs mois : « la décennie à venir s’annonçait comme celle de tous les enjeux, de tous les défis, de tous les dangers mais aussi de tous les espoirs ».

La crise brutale qui nous frappe en cette année 2020 nous aura montré que le temps nous était compté et aujourd’hui, « toutes affaires cessantes » et sans arrière-pensées, il nous faut tous nous battre pour la vie. C’est ce que j’essaie modestement, et toutes autres affaires cessantes, de faire en tant que Maire.

Nous sommes, en ce mois d’avril 2020, selon qu’on est pessimiste ou optimiste… tout au bord d’une mer profonde ou au pied d’une montagne vertigineuse.

J’avoue que moi qui n’ai jamais été un « mouton de Panurge », (une expression qui trouve sa source chez Rabelais) je préfère la pente raide devant moi à escalader à la pleine mer dans laquelle Panurge, (compagnon de Pantagruel), jeta son mouton suivi d’un même élan par « tous les autres moutons criant et bellant en pareille intonation commencèrent  soy jecter et saulter en mer après à la file, la foulle estait à qui premier y saulteroit»… (en vieux français).

Puisse donc cette cruelle crise une fois achevée, une crise qui aura révélé « de chacun(e) à chacun(e) » leur vrai visage,

nous redonner les moyens de construire un véritable monde nouveau non pas en rupture mais en continuité d’un ancien qui nous aura aussi rappelé ses valeurs et ses forces.

Avec pour en terminer aujourd’hui 6 avril 2020, cette citation d’Albert Camus qu’on peut qualifier de « prémonitoire », extraite de ses « carnets II 1942-1951 » :

« Ce qui me semble caractériser le mieux cette époque, c’est la séparation.

Tous furent séparés du reste du monde, de ceux qu’ils aimaient et de leurs habitudes.

Et dans cette retraite, ils furent forcés, ceux qui le pouvaient, à méditer, les autres à vivre une vie d’animal traqué ».

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