Carnet n° 493 du 12 mars 2018

« Grandes fortunes et vertu… »

 

J’ai, cette semaine, pensé à nouveau à ces mots très forts de François Mitterrand en une période où les idéologies sont dominées et déterminées par les réussites individuelles, la recherche des profits à tous prix, la fin programmée en tous domaines de la notion même de service public ainsi que des solidarités :

« Les grandes fortunes ne se font pas sur le chemin de la vertu ».

Quand on entend que Monsieur Bernard Arnauld, patron de LVMH, termine en 4ème position des plus grandes fortunes au monde avec, au moins, une soixantaine de milliards d’euros, en gain de 7 places depuis un an, et donc un des plus grands bénéficiaires de la fin de l’ISF, on est en droit de s’interroger.

Comment, en effet, ne peut-on pas s’interroger quand on sait les niveaux de la misère dans le monde, en Europe et en France ?

Comment, enfin, certain(e)s peuvent-ils encore essayer de nous faire croire que si notre économie ne va pas suffisamment bien c’est de la faute au SMIC, aux chômeurs « qui abusent », au statut des fonctionnaires ou à celui des cheminots ?

Si j’ajoute à cela, au moment où ces chiffres sont tombés, un début de pétition apparue sur Facebook sollicitant (suppliant) ce même patron, paraît-il ancien Roubaisien, Roubaix, une des villes classées « les plus pauvres de France » depuis que les plus riches industriels l’ont abandonnée à son sort après y avoir fait fortune,

oui, une pétition pour « qu’il laisse tomber quelques miettes de sa table » comme « au bon temps » des tables bien garnies des industriels du textile dans le Nord et des mines dans le Pas de Calais (rappelez-vous de « Germinal » et de la chanson de Jacques Brel : « oui notre Monsieur, oui notre bon maître »… des paroles toujours rêvées par les puissants d’aujourd’hui), des miettes à défaut d’un « ruissellement » cher aux jeunes loups du libéralisme contemporain !

On comprendra la colère d’un nombre croissant de nos concitoyen(ne)s, jeunes, chômeurs, travailleurs pauvres, retraités, en cette année du cinquantenaire de mai 68, à quelques jours d’un 22 mars 2018, cinquante ans aussi après le 22 mars 1968 qui fut la première étape du mouvement de « Mai 1968 ».

Cette colère peut expliquer sans doute « le dévissage de l’exécutif » : moins 11 points pour M. Macron avec 30% d’opinion favorable et moins 6 points pour M. Philippe avec, lui aussi, 30%.

Loin de moi de dire voire, même de penser, que j’en suis heureux.

J’ai toujours dit que je souhaitais la réussite de M. Macron, non seulement parce qu’il nous avait permis en mai dernier d’éviter d’avoir à choisir entre Mme Le Pen et M. Fillon (faute d’accord entre M. Mélenchon et M. Hamon, tous deux « irresponsables » en la matière), mais aussi parce que je pensais à la France et aux Français(e)s qui ne pouvaient se permettre d’attendre 5 ans.

Malheureusement, je me suis rendu compte très vite qu’il faisait, trop souvent, passer la forme devant le fond, qu’il jouait avec les sondages en usant des facilités de mesures populaires à court terme avant qu’elles ne reviennent en boomerang, et surtout que si les mesures prises pour les plus riches (ISF) étaient prises de suite, les autres mesures au demeurant beaucoup plus modestes pour les moins riches et les plus pauvres étaient étalées, voire renvoyées à plus tard.

A force de multiplier les raisons d’insatisfaction et des motifs de mécontentement, il prend le risque de les voir s’agréger (comme le dit le Larousse : « la nature agrège les grains de sable en grès ») pour déboucher sur un mouvement de grande ampleur comme le fut un certain mai 68 qui, bien que de courte durée (quelques semaines), a bouleversé notre société, reculé des murailles sociales et même si la droite gaulliste bénéficia, en juin 68, d’un raz-de-marée électoral, moins d’un an après, le 27 avril 1969, le Général de Gaulle, se sentant désavoué, quittait l’Élysée avant que 12 ans après, François Mitterrand y fasse son entrée pour 14 ans.

J’ai, personnellement, vécu mai 68 à Clermont-Ferrand. J’aurai l’occasion d’en évoquer certains aspects dans mes carnets du mois de mai prochain, en particulier à propos du 13 mai 68 où je défilais à gauche au milieu de dizaines de milliers de citoyens avant que le 31 mai, 18 jours plus tard, je contemple sur les mêmes avenues des dizaines de milliers de gaullistes venus prendre leur revanche.

Tout a donc basculé en quelques semaines, d’abord dans un sens puis dans l’autre tandis que beaucoup de « politiques » très vite « dépassés » ont d’abord observé puis essayé de suivre, voire voulu en profiter, mais en multipliant des erreurs issues de leur incompréhension.

Si, chacun sait que l’Histoire ne recommence jamais, il lui arrive de bégayer…

Les socialistes qui débattent entre eux pour « récupérer » les ruines de leur « vieille maison », devraient se souvenir de la SFIO, de Guy Mollet qui l’a conquise sur une ligne très à gauche  dès 1946 contre un plus modéré, des 5% du couple Defferre – Mendès-France en 1969 aux Présidentielles avant que de l’extérieur un certain François Mitterrand à Epinay, en juin 1971, ne fasse retrouver à la Gauche et à la Social-Démocratie le chemin de la victoire.

 

Que les « marcheurs qui jouent sur du velours » après leurs larges victoires de mai et de juin 2017 et dont l’arrogance de certains est de plus en plus crispante, se souviennent aussi de mai 68 et de 1969.

Qu’ils repensent à Valéry Giscard d’Estaing vainqueur en 1974 à l’âge de 48 ans, ses réformes, « la nouvelle société », sa défaite en mai 1981 et la victoire de François Mitterrand (alors âgé de 65 ans), réélu en 1988 (à l’âge de 72 ans)…

En France, comme ailleurs en Europe et dans le monde, le temps politique s’est accéléré avec les nouveaux médias et les nouvelles technologies. Que certains et certaines arrêtent de « faire des plans sur la comète » pour les élections Européennes de 2019, les Municipales de 2020, les Départementales et  les Régionales de 2021 avant les Présidentielles de 2022 !

 

Si la jeunesse est parfois un atout, l’expérience de l’âge en cas de crise est souvent vécue comme plus sûre à défaut d’être toujours positive : Charles de Gaulle avait 78 ans en 1968, François Mitterrand 72 ans en 1988, Jacques Chirac 70 ans en 2002 et Donald Trump 72 ans aujourd’hui tandis que Valéry Giscard d’Estaing en avait 48 en 1974, Nicolas Sarkozy 52 ans en 2007 et Emmanuel Macron 40 ans en 2017.

Ces « rappels pour nous rappeler » que si  l’Histoire ne se répète jamais à l’identique, il lui arrive souvent de bégayer …

« A bon entendeur, salut ! » selon une vieille expression qui date du 17ème siècle.

Il n’empêche qu’aujourd’hui même les plus optimistes en matière de justice et de solidarité ont du mal à ne pas désespérer quand on voit et qu’on entend ce que bon nombre de médias ont retenu et privilégié tout au long de la semaine, de l’héritage de Johnny à la cheville de Neymar : somme toute on a les médias qu’on mérite puisqu’ils ne font que répondre à la demande de leurs lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs (audimat et tirages obligent… sous peine de faillites).

Il n’empêche qu’il y a eu aussi cette semaine :

  • Les massacres de civils en Syrie.
  • Les jeux paralympiques de Corée du Sud où nos athlètes performent, ce qu’il fait qu’on en parle quand même un peu…
  • L’annonce présidentielle de la création de « Tribunaux criminels » et de peines alternatives pour gérer les pénuries de la Justice sans s’attaquer à leurs causes et aux contradictions de nos lois (suivez mon regard !) avec une « réforme des peines qui fleure bon le laxisme » pour les victimes au quotidien des actes de délinquance.
  • Mais peut être que le couple Balkany, dont on nous dit qu’il va être renvoyé en correctionnelle pour des fraudes fiscales pourrait « tâter » de ces nouvelles mesures…
  • Un Donald Trump, champion du protectionnisme économique, pour mieux nous imposer son modèle. Ce Donald Trump qui fait « ami-ami » avec Kim Jong-un qu’il qualifiait, il y a quelques semaines, de « p’tit gros » accusé d’être un « fou qui affame son peuple », ce dernier le traitant en retour de « sénile » et de « gâteux mentalement dérangé » (il paraît qu’ils vont maintenant bientôt se rencontrer).

 

J’arrête là… Mais, quand même, quand on sait qu’ils ont «l’un un petit et l’autre un gros bouton reliés au feu nucléaire », il y a tout lieu d’être inquiet et de désespérer de l’avenir.

Heureusement il y a eu aussi :

Le 8 mars, la Journée militante des Droits des femmes où on a vu qu’il y avait encore de l’énergie et du militantisme et ce dimanche la grande Foire aux collections à l’Espace Concorde organisée par l’Amicale Laïque Pasteur Jean Jaurès avec ses milliers de visiteurs.

Heureusement, enfin,  on a commencé dans les médias et au niveau de l’État de dénoncer les poussées d’antisémitisme même s’il faut maintenant que des mesures soient prises pour combattre les intégrismes religieux alliés potentiels de tous les populismes d’extrême gauche et d’extrême droite.

A ce propos, le FN/RN tenait ce week-end son congrès à Lille…

Beurk… ils m’ont (et ils nous ont) privé de notre balade hebdomadaire dans le Vieux Lille, ses petites rues et la Treille… Ce sera donc pour plus tard ! …

 

« Au revoir donc…

et à la semaine prochaine… ».

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