Intervention de Gérard Caudron lors de la remise de sa légion d’honneur le 24 octobre 2014

Lecture d’un texte de Jacques DELORS par Martine AUBRY

 

Monsieur le Ministre, cher Patrick Kanner,

Madame la Ministre, Maire de Lille, chère Martine Aubry,

Monsieur le Commissaire Européen, cher Philippe Busquin

Monsieur le Préfet,

Monsieur Didier Manier, Président du Conseil Général

Mesdames et Messieurs les Présidents

Mesdames et Messieurs les Parlementaires du Sénat et de l’Assemblée Nationale

Mon Général, Madame,

Mesdames, Messieurs les élu(e)s Villeneuvois, voisins de Villeneuve, départementaux et régionaux, actuels et anciens,

Mesdames et Messieurs,

Vous toutes et tous en vos titres et fonctions,

Mes chers concitoyens et pour beaucoup, je le sais, mes chers amis.

Ceux qui me connaissent savent que chaque lundi matin, je me retrouve devant une dizaine de feuilles blanches, de quelques fiches, notes et brouillons pour y écrire un carnet sur un thème et selon un tempo qui me sont souvent venus durant la nuit précédente, un carnet où je me plonge dans la semaine écoulée pour « jeter sur le papier » des images et des réflexions.

 

J’en étais au 320 ème ce lundi 20 octobre.

L’exercice qui m’attendait hier, jeudi 23, était d’une bien autre dimension et sa perspective depuis des semaines m’avait valu plus d’une nuit d’insomnie avant de plonger dans une période de 52 ans, si je m’en tiens à ma vie professionnelle, militante et élective, de 65 ans si je remonte à mes premiers souvenirs d’enfant, une longue, une très longue période donc pleine de souvenirs plus ou moins effacés, de mystères, de rêves et d’embûches, de réussites plus ou moins affirmées et d’échecs plus ou moins  assumés.

L’enjeu était de taille et, à ce stade de la soirée, je ne suis pas sûr de l’avoir atteint.

Il me fallait en effet réussir un exercice de synthèse d’une vie, d’où mon choix d’un texte écrit alors que, chacun le sait, le verbe qui s’envole a plutôt ma préférence…

 

Je rappellerai pour commencer mes origines franco-polonaises, en forme de clins d’oeil à mes parents Jean Caudron et Sanislawa Janczewski, mes grands parents, mes oncles et tantes, presque tous aujourd’hui disparus et qui m’attendent peut être quelque part…

 

Mon premier souvenir remonte à mes 4 ans : la naissance de ma soeur Annie ici présente,

mon entrée à l’école de mon village Royaucourt et Chailvet dans l’Aisne, les odeurs de la forêt, celles des marrons et châtaignes, le blé des champs en été, les bleuets et les coquelicots.

 

Je garderai de cette enfance un esprit rural, nourri de mes vacances chez  mes grands parents jusque l’âge de 17 ans après, qu’avec ma soeur et mes parents, nous ayons déménagé à LAON  où j’ai fait mes études closes par un bac math elem en 1962, suivies d’une année de physique chimie à Reims et ce, avant de commencer une courte carrière de 5 ans aux Services Extérieurs du Trésor en 1963 à Laon comme aide temporaire, contrôleur et inspecteur stagiaire.

C’est ce dernier concours qui nécessitait une licence es-sciences économiques qui me vit « monter » à Lille où j’arrivai en 1964 avant de passer 2 ans à Clermont Ferrand et fin 1968 de revenir à Roubaix où, après quelques mois comme Percepteur Stagiaire, j’intégrai l’Education Nationale en tant que professeur certifié de Sciences et Techniques Economiques pour enseigner à Roubaix, au Lycée Turgot puis à Jean Moulin de 1969 à 1978, des années pleines de richesses éducatives avec mes collègues et mes élèves dont certaines et certains sont ce soir présent(e)s

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C’est en 1978 que « j’entrai en disponibilité pour exercice de fonction élective » ayant été élu, presque par hasard, mon ami Yvan Renar l’a rappelé, Conseiller Municipal de Villeneuve d’Ascq en 1976 et Maire en 1977.

Les dés étaient jetés !… pour une vie consacrée à ma ville, ce que je n’avais jamais imaginé et encore moins prévu.

Parallèlement, je passerai rapidement sur mes deux suppléances du député PS Pierre Prouvost dans la 7ème circonscription qui ne m’ont laissé aucun souvenir, pour rappeler mon entrée dans « la Mitterrandie », après une première rencontre avec François Mitterrand en 1965 au Palais de la bière à Lille, mon engagement au sein de la FGDS en 1967 après mon adhésion en 1964 à la SFIO, les événements de mai 68 à Clermont Ferrand, la campagne perdue de justesse pour le même François Mitterrand en 1974, mon soutien sans faille en 1981, sa victoire, l’Elysée que je découvrais lors de son installation en mai 1981, nos rencontres régulières jusqu’à la dernière en novembre 1995 quelques semaines avant sa mort rue Frédéric Le Play.

En parallèle encore, je me souviens aussi de mon entrée au Conseil Général en 1983, ma Vice-Présidence en 1985 aux personnes âgées, jeunes en difficultés et handicapés adultes aux côtés de Bernard Derosier, des tâches difficiles mais dont je garde, là aussi, le souvenir et le sentiment du travail accompli.

En 1989, j’entre au Parlement Européen, où je resterai 15 ans dans un relatif anonymat, sauf dans ma Région où je fais le lien avec les citoyens et à Bruxelles et Strasbourg au travail sur l’industrie, la recherche et l’énergie. Ce n’est certes pas ainsi que j’aurai pu devenir, comme certain, (singulier) Ministre des Affaires Européennes et Commissaire Européen, mais franchement… « non rien de rien, non je ne regrette rien ».

Cela ne m’empêchera pas néanmoins ce soir, de dire tout le mal que je pense de ces trop nombreux députés européens français de tous bords pour qui le Parlement Européen est, de manière très confortable, soit une maison de retraite, soit une salle d’attente d’un retour à l’Assemblée Nationale ou dans un Ministère.

Pas étonnant, quand comme moi on connaît l’Europe et son fonctionnement, que la France, Membre fondatrice du Marché Commun, n’y a plus que très peu de poids parmi les grandes et moyennes Nations.

Autres souvenirs forts de cette période, 5 ans passés dans la Délégation Europe-Turquie, 10 ans Europe-Chypre, 5 ans Europe-Pologne, et surtout 5 ans de Présidence de la Délégation aux Relations Europe-Israël.

 

A l’heure des accords d’Oslo, d’Yitzhak Rabin, régulièrement rencontré avant son assassinat et avec lui l’assassinat d’un immense espoir,

à l’aune de tous mes contacts avec les Israéliens et les Palestiniens, j’ai beaucoup appris du Moyen Orient, ce qui me permet aujourd’hui encore, de prétendre en être encore « un spécialiste » et de mieux comprendre les périls mortels qui nous menacent.

 

« Et pendant ce temps là, (comme disait la chanson) la ville de Villeneuve d’Ascq » pour laquelle j’aurai vécu avec passion 5 mandats de maire et un mandat de conseiller municipal, oui la Ville de Villeneuve d’Ascq a grandi et s’est embellie.

 

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« Villeneuve d’Ascq, l’histoire d’une vie, d’une passion, d’une fidélité », d’immenses satisfactions mais aussi des déceptions et des sacrifices qu’on a du mal à imaginer et qui  constituent  mes plus grands regrets, voire mes remords d’homme, à ce stade de ma vie… tellement la fonction de Maire est exigeante !

Villeneuve d’Ascq, une ville née dans les conditions que l’on sait et qu’il n’est pas utile de rappeler ici.

Villeneuve d’Ascq une ville refusée par certains qui en craignaient la concurrence, aimée par d’autres qui auraientt bien voulu la dévorer, soutenue heureusement par les Villeneuvois de toutes tendances et par leurs élus, toutes mes équipes que je veux saluer et remercier, Yvan Renar ayant été à mes côtés dans les toutes premières d’entre elles.

 

Ce sont ces rassemblements humains et cet esprit de rassemblement qui nous ont fait gagner même s’ils m’ont toujours rendu un peu suspect chez certains de ceux que l’on appelle de manière incongrue « des amis politiques », des amis ou ex amis politiques qui aujourd’hui feraient bien pourtant de méditer cette vieille recette pour éviter de perdre.

 

C’est cet esprit d’écoute que le Parlement Européen a renforcé où il faut rechercher des alliances et des majorités pour faire avancer ses dossiers puisqu’il n’y a pas « de majorité parlementaire » contrainte et qu’il faut donc convaincre en acceptant des compromis.

 

Je me souviens du 6éme PCRD aux côtés de Philippe Busquin, Commissaire Européen ici présent ce soir, quand il a fallu trouver des majorités sur la Fusion thermonucléaire et ITER ainsi que sur la recherche sur les cultures souches embryonnaires.

 

 

Le 6éme PCRD, mon plus gros dossier sans doute, mais en n’oubliant pas les dizaines d’autres de toutes tailles dont je ne citerai que la TVHD (télévison haute définition), le 16 X 9, les décodeurs numériques universels et même les nouveaux modules de certification de produits industriels et le marquage CE des jouets avec, « cerise sur le gâteau » l’élevage des mollusques bi-valve en lien avec mon ami Alain Bombard.

 

Oui, tout cela forme l’esprit et tout cela forge le caractère avec à Villeneuve d’Ascq la nécessité et l’envie de faire naître, de faire vivre et de développer une ville différente pour en faire la grande ville rayonnante au sein de Lille Métropole qu’elle est aujourd’hui….

Ai je besoin d’insister ?

Et quand certains encore maintenant se plaisent à dire et à se gausser de « mon mauvais caractère » j’aime à leur répondre que si je n’avais pas été ce que je suis, avec mon caractère, je ne serais déjà plus là depuis longtemps… et donc pas là pour m’entendre faire ce reproche.

 

Une chose est  sûre :

Dans ma vie publique rien ne m’aura été donné a priori.

Tout a dû être conquis à la force de l’énergie.

On ne m’a fait, en politique, aucun cadeau, ni réservé aucune place particulière dans un système politique qui reste féodal et ce, que ce soit de la part de mes adversaires déclarés ou de mes vrais-faux amis pour qui trop souvent seuls comptent les « rapports de force » et le poids des réseaux.

 

« L’espace d’un sourire », puis-je rappeler celles et ceux qui en février 2008 dans les couloirs de LMCU ne me voyaient même pas et qui, deux mois plus tard, me congratulaient en me disant à quel point, durant 7 ans, ils avaient souffert de me voir souffrir.

Oui LMCU, cette « grande maison » où je siège depuis 1977 d’abord sous la baguette, sinon le gourdin, d’Arthur Notebart qui l’a fait naître, sous la fausse rondeur de Pierre Mauroy qui a engagé le renouveau de Lille, sous l’autorité exigeante de Martine Aubry et aujourd’hui, celle souriante de Damien Castelain.

Oui, au sein de Lille Métropole Villeneuve d’Ascq, ma ville, notre ville, que vous représentez tellement bien ce soir tous et toutes rassemblés ici à l’Espace Concorde, élus Villeneuvois, anciens élus, personnalités, responsables et militants associatifs,  personnels communaux et acteurs du service public, citoyens venus de tous nos quartiers.

 

Cette Légion d’Honneur demandée par Martine Aubry que je remercie à nouveau, et à travers elle Jacques Delors qui restera, avec François Mitterand, un des pères de ma pensée et un des moteurs de ma vie,

cette Légion d’Honneur, dirais-je, que m’a attribuée Jean-Marc Ayrault que je salue à distance très amicalement,  je ne pensais pas vraiment l’avoir personnellement méritée. Mais si je l’ai acceptée, c’est dans l’esprit Villeneuvois, l’esprit de pionnier, l’esprit collectif, l’esprit de rassemblement que j’ai voulu traduire dans mon discours de ce soir comme j’ai essayé de le faire durant toute ma vie publique.

Avec toutes ses forces associatives, économiques, universitaires, culturelles et sportives, dont je salue les responsables, des forces magnifiquement  illustrées par mon Comité d’Honneur que je remercie à nouveau et que je veux citer solennellement

 

Madame Martine Aubry, Ancienne Ministre d’Etat, Maire de Lille, Présidente du Comité d’Honneur

 

Madame Fabienne Blaise, Professeure de langue et littérature grecques, Présidente de l’Université de Lille III, Chevalier de la Légion d’Honneur

 

Monsieur Philippe Busquin, Ancien Commissaire Européen et Ministre d’Etat (Belgique)

 

Monsieur Jean-Claude Casadesus, Chef fondateur-directeur de l’Orchestre National de Lille, Commandeur de la Légion d’Honneur, Grand Officier de l’Ordre National du Mérite, Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres

 

Monsieur Damien Castelain, Président de Lille Métropole et Maire de Péronne-en- Mélantois

 

Monsieur Jean Cortois, Professeur des Universités Honoraire, Ancien Président de l’Université des Sciences et Technologies de Lille, Chevalier de la Légion d’Honneur,

 

Madame Elisabeth Guigou, Présidente de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale, Ancienne Ministre, (qui m’a demandé d’excuser son absence ce soir)

 

Monsieur Patrick Kanner, Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Chevalier de la Légion d’Honneur

 

Monsieur Philippe Motte, Promoteur, Président du Cercle des Collectionneurs Mécènes du LAM, Chevalier de la Légion d’Honneur

 

Monsieur Philippe Rollet, Président de l’Université Lille I, Chevalier de la Légion d’Honneur

 

Monsieur Philippe Vasseur, Ancien Ministre, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Région Nord de France, Président du Réseau Alliances et du World Forum Lille, Officier de la Légion d’Honneur

 

Oui, on le voit, Villeneuve d’Ascq valait que je lui offre l’honneur qui m’est fait en tant que Chevalier de la Légion d’Honneur.

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Alors on me dira, une Légion d’Honneur à près de 70 ans, 50 ans de vie d’activités, 38 ans de vie élective, des félicitations et des hommages, cela n’a pas que des côtés réjouissants.  « C’est bien vrai », mais c’est, somme toute, normal dans le rythme naturel de la vie.

 

L’important, c’est, pour moi, d’avoir pu réunir mes amis, y associer ma famille et en particulier mes enfants, Sylvian, Mylène et Lucie, mes petits enfants, Léni et Dinah, toutes celles et tous ceux qui sont ici présents à l’Espace Concorde, un lieu qui porte, ce soir encore, si bien son nom, sans oublier bien sûr, non plus toutes celles et tous ceux qui m’ont dit y être associés par le coeur ne pouvant être présents en cette période de vacances.

 

 

Merci à toutes celles et à tous ceux qui m’ont aidé à l’organiser, aux côtés d’Alain Carette et de Patrick Gabriel. Même si je ne les cite pas, elles et ils se reconnaitront.

 

L’important, oui, c’est d’avoir pu replonger dans mon passé et d’y retrouver tellement de visages dont beaucoup sont aujourd’hui disparus (et je pense en cet instant à mon premier proviseur André Desmuliez à Turgot et à Alfred Desquesne fils du Maire socialiste de Flers de 1924 à 1947 qui m’a tout appris de Flers, d’Annappes, et d’Ascq et donc de Villeneuve d’Ascq),

des visages, des souvenirs, des raisons sans doute de ne pas désespérer des méandres de ma vie, des raisons aussi de continuer encore dans le même esprit de Rassemblement pour ma Ville en cette période tellement difficile pour toutes les communes,  pour tous les Villeneuvois et en particulier pour ceux qui ont de vrais problèmes, pour Lille Métropole, ses habitants, ses élus, anciens, nouveaux, son Président d’aujourd’hui Damien Castelain qui poursuit, avec son style et sa personnalité, le travail de Martine Aubry dont nous sommes quelques uns, dont lui, à avoir pu en vivre l’ampleur au quotidien.

 

Que chacun sache bien que, tant que je le pourrai, dans l’horizon que j’ai fixé, je n’aurai dans tous les domaines qu’un seul objectif : être utile.

 

Ce ne sera pas toujours facile dans ce monde brutal qu’est devenu le monde politique avec les nouvelles techniques de communication.

Mais tant que j’en aurai la force, je tiendrai, car je sais qu’au delà de « ces théâtres d’ombres », il y a des femmes, des hommes et des enfants qui souffrent du présent et qui ont peur de l’Avenir.

 

Et quand on est conscient d’être comptable du Monde qu’on va laisser en héritage à nos enfants, on a l’ardente obligation, jusqu’au bout, de faire en sorte d’en accroître l’actif et surtout d’en diminuer un passif dont on est co-responsable.

 

Voilà Mesdames, Messieurs, mes Amis, le sens que je voulais donner à cette cérémonie du 24 octobre 2014, une cérémonie que je vous dédie avec passion et affection citoyenne, avec en conclusion une citation de Léonard de Vinci, vieille d’un demi millénaire :

 

« Aux ambitieux qui ne se contentent pas du bénéfice de la vie ni de la beauté du monde, il est imposé pour châtiment qu’ils ne comprennent pas la vie et restent insensibles à l’utilité et la beauté de l’Univers ».

 

Merci à toutes et à tous de votre patience et de votre écoute.

 

Et que Vive notre République avec ses valeurs de Liberté, d’Égalité de Fraternité et de Laïcité.

 

Et que Vive la France, que j’espère un jour enfin voir apaisée et fière d’elle-même dans une Europe qui aura alors retrouvé les racines de ses Pères Fondateurs.

 

et qu’aura si bien porté un de ses grands acteurs, Jacques Delors,

à qui, en notre nom à tous, j’adresse, à distance, nos affectueuses pensées et notre profond respect !

 

Mesdames, Messieurs

A toutes et à tous, un grand merci.

 

Vous m’avez, toutes et tous, en ce vendredi 24 octobre 2014 offert un vrai grand BONHEUR !

 

Gérard Caudron

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