Carnet n°673 du 16 août 2021

« Faute de valeur supérieure qui oriente l’action … »

C’est, une fois encore, avec Albert Camus que j’ouvrirai et que largement « je déroulerai » mon 673ème carnet en ce lundi 16 août 2021, preuve une fois encore de l’éternité de la pensée humaine en général et de celle d’Albert Camus en particulier.

Ce titre extrait d’une citation elle-même extraite de « l’Homme révolté », un de ses essais écrit en 1951, semble l’avoir été hier, tout comme ses citations reprises à propos de la pandémie du COVID 19 qui nous accable depuis un an et demi et dont on retrouve de nombreux « aspects » dans son roman « La Peste » de 1947.

Je cite celle retenue aujourd’hui :

« Faute de valeur supérieure qui oriente l’action, on se dirigera dans le sens de l’efficacité. Rien n’étant vrai ou faux, bon ou mauvais, la règle sera de se montrer le plus efficace, c’est-à-dire le plus fort.

Le monde ne sera plus partagé entre justes et injustes mais entre maîtres et esclaves. »

À ceci près que « l’efficacité » recherchée comme alternative à la « valeur supérieure » n’est que rarement au rendez-vous et que le partage final du monde entre « maîtres et esclaves » est un peu trop  caricatural, ce jugement d’Albert Camus pourrait, en ces temps de crises sanitaires… et autres,    (j’y reviendrai aussi) s’appliquer à tous les dirigeants du monde dont ceux qui nous gouvernent aujourd’hui en France.

Je ne m’en réjouis pas… mais je ne peux que le constater… à l’heure où les talibans viennent, en Afghanistan, de ridiculiser les USA et à travers eux de battre l’ensemble du monde occidental.

 Si j’ajoute à cela une expression qui dénomme  un plat « le chaud-froid », une expression qui, nous dit on, remonte à 1759 quand le Maréchal de Luxembourg  convoqué d’urgence par le Roi, mangea froid un plat pourtant préparé chaud avant d’en saluer le goût en disant à quel point il l’avait apprécié,

une expression et un nom ayant pour but de rendre esthétique et positif un incident voire un échec,

j’avais là un autre titre possible pour mon carnet avant finalement de décider de ne la citer qu’en complément de la citation beaucoup plus riche et plus profonde d’Albert Camus.

Si on redéfile, en effet, tous les épisodes de la pandémie depuis février 2020, et donc depuis 18 mois, on a de la part des « décideurs » à tous les niveaux, de leurs exécutants, voire de leurs courtisans… politiques, médiatiques et même médicaux ( ces derniers heureusement beaucoup moins nombreux),

à la fois cette volonté de privilégier « l’image de l’efficacité », à défaut d’efficacité elle-même, par substitution à toute « valeur supérieure »… voire, à l’image du « chaud-froid », d’essayer de transformer un échec en réussite…

C’est vrai pour les dirigeants en place à qui j’ai toujours davantage reproché leurs comportements, leurs discours et leurs raisonnements plus que leurs difficultés à gérer une crise certes sans précédent mais c’est aussi vrai pour celles et ceux qui « rêvent » de les remplacer et dont le nombre s’accroît chaque jour… en nous promettant de « l’efficacité » à coup de propositions qui ont tout du « chaud-froid »…

Il en est même qui essayent de surfer sur les cortèges importants d’anti-pass mitonnés d’anti-vacc, avec leurs lots d’extrémistes politiques et religieux…, de citoyens et de familles, certes de bonne foi dans leurs angoisses et leurs craintes, mais acceptant quand même de défiler près de pancartes qui vont du « simplisme » aux pires abjections…

Concernant le pass-sanitaire, je veux dire très clairement que s’il a permis de relancer massivement les vaccinations, et c’est une excellente chose,  il ne répond en rien à la nécessité de lutter efficacement contre la circulation du virus car s’il informe que vous êtes vacciné, il ne vous empêche pas d’être infecté (mais heureusement d’éviter de faire une forme grave de la maladie) et donc malgré tout … de transmettre le virus…

Somme toute, non seulement « ce pass » diffuse des données médicales personnelles, mais il conduit à réduire les autres précautions à prendre…,

sans oublier « la nature des contrôles aléatoires »…, leurs formes et leurs conséquences ( j’en ai déjà fait moi-même l’expérience en tant que citoyen).

Je suis personnellement et tout aussi clairement pour une vaccination obligatoire mais « sans pass-sanitaire » obligatoire, ce qui n’empêche personne d’en avoir un, au cas où, pour une raison ou pour une autre, on peut être amené à prouver l’existence de sa vaccination.

En attendant la France compte aujourd’hui près de 10 000 cas d’hospitalisés COVID dont 1 900 en soins intensifs et près de 113 000 décès depuis un an et demi… sans compter depuis hier un cas dans les Hauts-de-France de « variant colombien » dont on n’a pas fini de parler…

 » Faute de  valeur supérieure  qui oriente l’action » , on se dirige dans le sens de l’efficacité… » disait Albert Camus… des mots qui devraient résonner dans la tête de Joe Biden à l’heure où, après sa décision de retirer les troupes américaines d’Afghanistan, il n’aura fallu que 10 jours pour que la Talibans atteignent Kaboul, au grand désespoir des femmes afghanes, et pas qu’elles, qui vont faire « un bond en arrière de 20 ans »… après 20 ans de guerre et malgré 1 000 milliards de dollars dépensés par les américains pour doter « le pouvoir Afghan » des moyens de l’éviter…

Triste humanité, en ce début de 21ème siècle, ballotée par des pandémies, les effets du dérèglement climatique, les intégrismes religieux ou autres, les dictatures de toutes natures…

Voilà ce qui arrive quand on privilégie certaines conceptions de « l’efficacité », le « court terme » et les profits à tous prix, les intégrismes conquérants sur la raison et l’intelligence…et de tout cela, à des degrés certes divers, nous sommes tous comptables voire coupables du fait de nos petites et grandes lâchetés.

Comme le disait Albert Einstein : « Deux choses sont infinies : l’univers et la bêtise humaine… mais en ce qui concernant l’univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue ».

Le monde est ainsi fait qui me rappelle aussi ces mots d’Albert Camus :

« La révolution n’abolit pas les privilèges. Elle change les privilégiés » (et ce quels que soient les formes et sens du mot  « privilégiés » ).

En ces jours de plein mois d’août où la pandémie du COVID (et ses variants) peut déboucher sur le pire dans les mois qui viennent (même si le pire n’est jamais sûr), où l’Iran est sur le point d‘accéder au nucléaire militaire (ce qui risquerait de provoquer l’embrasement du Moyen-Orient et de nous derrière), où des incendies en Algérie et ailleurs font des centaines de morts, où, en France, des prêtres sont assassinés, où l’antisémitisme ressurgit un peu partout… sans pudeur, où les soignants ne savent plus où donner de la tête et où les talibans vont renouer avec leurs comportements mortifères sur l’ensemble de l’Afghanistan,

on se sent comme entraînés dans un entonnoir ou une spirale infernale… !

Alors moi, oui moi très modestement, je crois et j’agis en fonction de  « valeurs supérieures » qui sont ou devraient être « les nôtres »

en souriant tristement au fond de mon être en écho à ces mots de Marcel Pagnol :

                        « Tout le monde savait que c’était impossible. Il est venu un imbécile qui ne le savait pas et il l’a fait. »

et en repensant à ce film,  revu hier soir,  « La dernière légion », sorti en 2007 et qui se situe en l’an 476 à l’heure de ce que l’on a appelé « la chute de l’empire romain »… 

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