Carnet n°658 du 3 mai 2021

« Quand je regarde ma vie… »

« Quand je regarde ma vie et sa couleur secrète, j’ai en moi comme un tremblement de larmes… je pense à l’enfant que j’ai été, à la folie de vie et d’ambitions qui m’emporta à certains moments. Je suis tout cela à la fois. »

C’est avec cette citation d’Albert Camus retrouvée dans son premier roman « La Mort Heureuse » écrit entre 1936 et 1938, terminé donc par son auteur à l’âge de 25 ans, que j’ai voulu aujourd’hui commencer et titrer mon 658ème carnet et la « Quatrième saison » d’une série commencée le 12 avril dernier consacrée à sa vie, à ma vie et, en transparence, à la vie…

Si le talent qui caractérise ce « Grand Homme pour l’Eternité » qui nous a quitté beaucoup trop tôt peut me permettre d’illustrer sa vie par ses écrits, n’ayant pas eu la chance ineffable de le rencontrer autrement que dans ses ouvrages et à travers les témoignages de Roger Quillot, il n’en est pas de même pour ma vie et les leçons que j’en tire depuis le début de cette « série » de mon enfance rurale jusqu’à ma vie d’adulte dans sa dimension publique et élective de social-démocrate, élu de Villeneuve d’Ascq depuis 45 ans avec, en parallèle, 15 ans au Parlement européen de 1989 à 2004 .

Et c’est pourquoi aujourd’hui, dans cet esprit et convaincu que la « linéarité du temps » n’est qu’une « convention humaine » sans grand rapport avec sa réalité à l’échelle  de l’Univers et de son infinité,

j’assènerai à mes lecteurs une première série d’images en vrac sur lesquelles, peut-être plus tard, si le temps m’en est laissé, je reviendrai mais qui, pour moi caractérisent mieux une vie que leurs classements après coups, tout au long de chapitres depuis une introduction jusqu’à sa conclusion …qu’on appelle « mémoires »,

et ce, après avoir, en forme « d’épitaphe », rappelé un constat qui me caractérise bien:

« Quand face à tous les obstacles qu’à tous les moments de ma vie j’ai pu rencontrer, je me suis toujours posé, parfois longuement, la question de savoir si j’allais essayer oui ou non de le franchir…

ma réponse a toujours été oui… et de face ! »

Je commencerai par « des images en vrac » de ce qui me fait fièrement revendiquer être de « la Génération Mitterrand » depuis ma première rencontre avec lui au « Palais de la Bière » situé alors au bout de la rue de Béthune à Lille, comme membre de son service d’ordre dans une salle à l’étage où « s’écrasaient » des centaines de citoyens venus l’entendre parler de sa candidature aux Présidentielles de 1965 jusqu’à notre dernière rencontre, rue Frédéric-le-Play à Paris, en novembre 1995, quelques semaines avant sa mort, mon premier « repas politique  » à son invitation en 1977 dans un petit resto du quartier des Halles à Paris, sa venue à Villeneuve d’Ascq pour planter l’arbre inaugural de la place Léon Blum, sa campagne présidentielle de 1974 où il faillit gagner, sa candidature à nouveau en 1981 que nous n’étions pas nombreux à lui conseiller, mon « annonce » quelques jours avant le 10 mai que je lui faisais discrètement  » que j’étais sûr qu’il serait élu », nos nombreuses rencontres durant 14 ans à l’Elysée  surtout, à Villeneuve d’Ascq parfois, et en bien d’autres lieux, après « ma première entrée pleine d’émotions », on s’en doute, à l’Élysée pour son installation le 21 mai 1981, avant l’Arc de Triomphe et le Panthéon, nos multiples entretiens 2, 3 ou 4 fois par an sur tous les sujets dont l’Europe bien sûr, les écoles et la loi Savary, une grève des routiers… (j’en passe et des meilleures…), sur la vie, l’amour, les coquelicots, les champs et leurs odeurs, les églises, les religions, le vieillissement …, gardant toujours ma liberté de pensée et de parole sans rien lui demander, même si je sais que je lui dois d’être entré en 1989 au Parlement européen pour y vivre d’abord, non loin de Jacques Delors, ma passion européenne.

Beaucoup de « rapports européens » y portent mon nom depuis « les modules de certification », la télévision haute définition TVHD, le format 16X9 de nos téléviseurs, le marquage CE, le textile et son avenir, le 6ème programme cadre de recherches (PCRD), ITER et l’énergie fusion, la sidérurgie européenne, la recherche sur les cellules souches … quelques exemples parmi plusieurs dizaines d’autres rapports et études sans oublier des centaines, sinon plus, d’interventions orales et écrites lors des séances plénières.

Européen toujours, avec 10 ans sur Chypre, 5 ans sur la Turquie, 5 ans sur la Pologne, une passion pour le bassin méditerranéen et les relations avec les pays du Sud de l’Europe (un Sud dont est venue la vie et dont pourrait venir la mort si on l’ignore…), 5 ans enfin comme Président de la Délégation, mes rapports avec Yitzhak Rabin entre 1994 et 1999, pour essayer modestement de contribuer à mettre en œuvre les accords d’Oslo pour une Paix avec les Palestiniens avant qu’il ne soit assassiné, … mes rencontres avec le sage Shimon Peres puis avec Benyamin Netanyahou, un personnage qui, après certaines de nos « riches » discussions, me faisait un peu penser à Pinocchio (j’aurai l’occasion d’y revenir).

J’ai bien sûr aussi été amené à aller dans les territoires palestiniens en tant que Député européen… accueilli plus que froidement à Ramallah, pas vraiment attendu à Gaza, curieusement regardé à Hébron, … sans oublier Bethlehem et ses « souterrains en forme de galeries mystérieuses » … ni le plateau du Golan.

Une image encore : à Jéricho, au temps d’Yitzhak Rabin, assis dans une voiture officielle, on suivait une camionnette de sécurité mixte de soldats israéliens et palestiniens… qui patrouillaient en discutant aimablement les uns avec les autres dans les rue de cette petite ville biblique que tout le monde a en tête.

J’arrête là pour aujourd’hui ayant suffisamment de matière pour écrire plusieurs ouvrages ce qui me conduit à dire, après avoir été aussi avec Laurent Fabius en Jordanie, qu’au Moyen Orient si le pire ne peut jamais être exclu, il n’est jamais sûr car les peuples y sont « condamnés » à vivre ou à périr ensemble.

Je ne saurai jamais enfin non plus oublier de parler  de « la Maison du Citoyen d’Europe »  située au bout de la chaussée de l’Hôtel de Ville, et de sa belle équipe qui y reçut  des centaines (et plus) de citoyens et qui organisa des fêtes pour des milliers et des milliers d’autres à l’Espace Concorde.

Député européen travailleur et présent à Strasbourg comme à Bruxelles de 1989 à 2004, cela ne m’a jamais empêché d’être « en même temps » un Maire présent et actif de et à Villeneuve d’Ascq, au prix de 70 à 80  heures de travail par semaine, jusqu’en 2001 quand « une loi Jospin » écarta, pour cause de cumul, le seul député-maire français européen que j’étais, même si ce n’est pas pour cela que je ne fus plus candidat au poste de Maire en 2001, souhaitant simplement prendre du recul avant de décider d’y revenir en 2008, après un an passé au cabinet de Daniel Percheron, un grand Président de la Région Nord-Pas de Calais.

Ayant quitté « le PS de Monsieur Hollande » le 2 décembre 2001 après 37 ans et deux mois d’appartenance à ce parti, ce dernier Mr Hollande, me rencontrant alors dans les couloirs du Parlement Européen se contentait « de me balancer » sans même s’arrêter : « j’ai bien reçu ta lettre, tu vas te sentir bien seul… » (je le fus un petit peu, ayant gardé beaucoup d’ami(e)s, mais sans doute pas autant que lui aujourd’hui ….).

Je fus donc pendant 7 ans conseiller municipal de Villeneuve d’Ascq « non inscrit » entre 2001 et 2008, subissant même un retrait de délégation de M. Stievenard pour avoir été candidat en 2002 contre Bernard Derosier aux législatives, un retrait qui reste « aujourd’hui  » le deuxième de l’histoire de Villeneuve d’Ascq, après celui de Pierre Defives par Jean Desmarets… ,

7 ans parmi 45, dont 38 donc en tant que Maire, une très longue période durant laquelle on ne niera pas que j’ai contribué à faire de Villeneuve d’Ascq la grande et belle ville qu’elle est aujourd’hui y compris « envers et contre » Pierre Mauroy au départ et ensuite  « envers et contre » Lille, Roubaix, Tourcoing très souvent… et cela même si j’ai été durant 2 mandats entre 1978 et 1986 le Député suppléant de Pierre Prouvost, Maire de Roubaix…

Somme toute, j’avais finalement de meilleures relations avec les élus socialistes du Pas-de-Calais qu’avec ceux qui entouraient et « servaient » Pierre Mauroy via quelques « chapelles » … (quoique certain(e)s en disent aujourd’hui).

Cela dit, Pierre Mauroy qui a pourtant eu à mon égard des propos que je ne qualifierai pas, aura été, je le redis, « un grand Homme politique », même si, malgré mes tensions avec Arthur Notebart, Président de la CUDL après Augustin Laurent et avant Pierre Mauroy, Martine Aubry et Damien Castelain, « mes relations avec Arthur » furent plus saines et plus positives pour la Ville de Villeneuve d’Ascq que ce soit sur le métro ou sur la « sortie » de Villeneuve d’Ascq « du statut de ville nouvelle » en 1983.

Autres temps, autres hommes… je veux les saluer, moi qui, du haut de l’hémicycle de la CUDL en 1977, les jugeais alors « très vieux », alors que je sais maintenant qu’ils l’étaient moins que moi aujourd’hui à l’heure où, à la MEL, je suis le dernier « survivant » de la génération 1977.

Je l’ai déjà dit et répété : la vie est faite de décisions, de hasards, de coups de chance, de mauvais coups reçus (et il ne m’en a pas manqué y compris ces dernières années), des coups avec leurs auteurs qui me rappellent ma grand-mère quand elle me disait : « je ne suis pas rancunière, mais je n’oublie pas et je ne pardonne pas. »

À l’image du jeu, « la bataille navale », je me le suis dit souvent et je me le dirai sûrement encore : « touché mais pas coulé »!

J’arrêterai aujourd’hui sur cette première brassée d’images et de cartes… en en gardant quelques-unes dans mes manches pour de prochains carnets…

Quelques mots enfin plus actuels avec « le nouveaux x -ème plan de déconfinement » de Monsieur Macron, annoncé cette semaine, plutôt bon sur la forme car un peu plus optimiste… mais toujours aussi incertain sur le fond vu une situation épidémique qui reste incontrôlée et très imprévisible, ne doutant pas qu’il saura nous dire, dans tous les cas, comme x fois depuis un an, qu’on nous en avait déjà prévenu…

Franchement c’est ce qui m’énerve le plus et que je supporte le moins : cette immodestie pétrie de suffisance.

Je n’ai rien de plus à dire en ce 3 mai 2021, deux jours après un 1 mai pour la deuxième fois « pas comme les autres « , rien de plus à dire sur les élections régionales que je n’ai déjà dit et les Départementales où, à Villeneuve d’Ascq, je voterai pour Françoise Martin, notre élue RC sortante.

Mais on notera mes « sourire peinés et crispés » quand je vois l’agitation autour des élections présidentielles de 2022, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon en passant par Emmanuel Macron, Xavier Bertrand  … et quelques autres dont je n’ai pas encore retenu les noms.

Somme toute, si « espoir » il y a encore pour le social-démocrate que je suis, avant les Régionales et les Présidentielles…, cet « espoir » se situe « au fin fond d’un trou » où cohabitent « le pire » et « le moins pire » …

Si j’ajoute à cela les égoïsmes qui s’expriment un peu partout sur tout et n’importe quoi, mon angoisse pour la jeunesse, les désespoirs de « fins de vie », la suffisance de ceux qui parlent encore de réformes libérales et injustes comme pour les retraites et l’indemnisation d’un chômage qui va exploser, une sécurité en péril malgré le dévouement de nos forces de l’ordre et des « tentations autoritaires, (voire pire) qui pointent » ici et là…,

oui on ne peut que le craindre : le pire, voire « le pire du pire » devant nous ne peut être écarté !

C’est pourquoi malgré mes problèmes de mobilité et donc de santé… je reste debout et bien décidé à me battre jusqu’à mon dernier souffle ! quoiqu’il m’en coûtera…

À suivre donc…

À celles et à ceux qui partagent mes analyses, mes doutes, mes angoisses et mes volontés,

Je dirai simplement pour conclure ce qu’écrivait aussi Albert Camus :

« Ne marche pas derrière moi, je pourrais ne pas te conduire.

Ne marche pas devant moi, je pourrais ne pas te suivre.

Marche juste à côté de moi et sois mon ami(e) »,

tout en sachant, comme lui, que si :

« il n’y a pas si longtemps, c’étaient les mauvaises actions qui demandaient à être justifiées, maintenant ce sont les bonnes. »

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