Carnet n° 293 du 14 avril 2014

« Les arbres aux racines profondes sont ceux qui montent le plus haut »

Cette pensée de Frédéric Mistral, un écrivain français de langue d’oc de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle, qu’il dédie aux arbres et à la nature, s’applique aussi aux constructions et aux aventures humaines, aux villes et aux civilisations voire aux femmes et aux hommes si ce n’est « aux politiques ».

Elle n’a pas quitté mon esprit tout au long de ce week-end des Rameaux où nous avons commémoré le 70ème anniversaire du Massacre d’Ascq. Notre ville, Villeneuve d’Ascq, dont personne ne peut ignorer les ramures qui montent haut dans le ciel a cependant des racines profondes dans l’histoire humaine depuis les Gaulois des Près à la Ville Nouvelle en passant par le gallo-romain, les Carolingiens, les mottes féodales, nos églises, châteaux et villas, elle en a d’autres, certes plus récentes, mais plus profondes encore dans le tréfond de l’âme humaine, ses côtés démoniaques pour certains et de douleurs pour leurs victimes….

C’est Ascq et le massacre de ses fils, en cette nuit des Rameaux 1944 du 1er au 2 avril,

cet univers qui bascule,

ces 86 vies aux fils tranchés,

ce village a jamais marqué.

26 ans plus tard, cette nouvelle ville, Villeneuve d’Ascq, qui perpétuera à jamais son nom et dont les racines douloureuses contribueront à faire d’elle, je l’espère à jamais, une ville différente fière de son passé, rebelle dans son présent et active pour ce qui est de son avenir.

Je l’ai vécu samedi soir dans les rues éteintes d’Ascq entouré de jeunes portant des flambeaux avant d’entendre au Tertre la longue litanie des noms et des visages furtifs quelques instants chacuns projetés dans la pierre.

J’ai essayé de le redire dimanche devant des milliers de citoyennes et de citoyens, avec mes mots, avec mes tripes pour redire notre hommage et aussi redire de ne pas ignorer celles et ceux, qui révisionnistes de toujours, les banalisent pour ramener ces horreurs à de simples bavures… « Somme toute pas si grave »...

Et pourtant ce furent, ce sont de véritables crimes contre l’humanité impardonnables ni de la part de ceux qui les ont commis, ni de la part de ceux qui les ont niés, ni de la part de celles et ceux qui se contentent de « fermer les yeux pour n’avoir pas à ouvrir la bouche »…

C’était ce 13 avril 2014, ma 38ème commémoration, mon 7ème discours en tant que Maire, l’évènement prenant de part la volonté de toujours des familles ascquoises une dimension particulière tous les 5 ans, le 35ème pour moi en 1979, le 70ème hier… Avant une dernier pour moi le 75ème en 2019… « Si la vie le veut »…

De quoi donner le vertige à celles, celui ou ceux qui n’auraient pas de racines suffisamment profondes.

Car en effet, si les paroles de Frédéric Mistral s’appliquent aux arbres et à la nature, aux aventures, constructions et ambitions humaines,

elles s’appliquent, sans doute plus modestement aux femmes et aux hommes dans leurs vies personnelles, voire dans leurs vies publiques… C’est, peut être, aujourd’hui ça qui manque le plus avec le tourbillon fou des nouvelles technologies et de leurs conséquences sur les médias, à chaque instant « son événement, son scoop ou son buzz », qui efface le précédent.

C’est Tonino Benacquista qui l’a dit :

« Le cinéma (comme le livre) construit notre mémoire, la télé (comme internet) ne fabrique que de l’oubli »

Il y a quinze jours la tempête des élections municipales a déraciné bien des arbres aux racines peu profondes pour certaines et abimées par d’autres qui avaient trop oublié leur histoire….

Durant la semaine écoulée on a beaucoup parlé des racines de Lille Métropole, LMCU. Puissent les élus métropolitains d’aujourd’hui ne pas les oublier, au moment de voter vendredi prochain, (Vendredi saint de la Crucifixtion dans le calendrier catholique)… !

En ces temps de crise puissent chacunes et chacuns ne pas oublier que les divisions et affrontements affaiblissent à l’heure où il faudrait rassembler !

Je n’ai jamais cessé de le dire…

Je ne cesserai pas de le répéter…

Je ne me prêterai à aucune manœuvre de division.

Et tant pis pour les jeunes et nouveaux « gardes rouges » (chers à Mao) pour qui le désordre est source d’espoir pour leurs ambitions personnelles futures, ou parce que, comme « une certaine » à Villeneuve d’Ascq, ils ou elles n’ont rien d’autre à dire.

C’est Paul Verlaine qui l’a écrit :

« Par notre manière de penser et nos attitudes, nous construisons notre bonheur ou notre malheur »

Tans pis pour nous s’il s’agit de nos modestes personnes.

Mais quelles responsabilités quand avec une manière de penser et d’agir, il nous arrive de faire le malheur des autres….

C’est une pensée qui m’obsède, qui souvent me réveille la nuit et que surtout je me pose chaque fois que j’ai une décision importante à prendre.

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