Si les citoyen(ne)s de ma génération ainsi que, bien sûr, d’autres de générations précédentes et de générations suivantes, n’ont pas oublié cette date du 10 mai 1981 et ce qui s’y est passé, l’élection de François Mitterrand, premier Président socialiste de la Vème République avec, en mémoire, chez certain(e)s des moments extraordinaires de joie et d’espoirs, « en même temps » que chez d’autres d’angoisses pour « leurs privilèges » voire pour leurs libertés (on se souvient de celles et de ceux qui « prédisaient » alors l’arrivée de chars soviétiques à Paris pendant que d’autres remplissaient leurs valises de bijoux et de billets),
avant de revenir sur cette journée du 10 mai 1981 que j’ai personnellement vécu comme un des meilleurs et des plus grands moments de ma vie,
je voudrais aussi rappeler aux amateurs d’Histoire que cette date du 10 mai a marqué de nombreuses fois l’Histoire de la France, voire de l’Europe et du Monde et ce, en en donnant quelques exemples :
le 10 mai 1774,la mort de Louis XV,
le 10 mai 1806,la fondation par Napoléon I de l’Université,
le 10 mai 1871, la fin de la guerre Franco-Prussienne engagée et perdue par Napoléon III,
le 10 mai 1933, à Berlin où les Nazis montrent déjà leurs vrais visages en brûlant 25 000 livres considérés comme contraires à la «pureté de leur race»,
le 10 mai 1940 quand les armées allemandes envahissent les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique et la France pour les soumettre en moins de 6 semaines juste avant, depuis Londres, l’Appel du 18 juin du Général de Gaulle,
le 10 mai 1968 et les premières barricades d’un «mois de mai 68» dans le quartier latin de Paris juste avant les grandes manifestations populaires du 13 mai et 3 semaines avant le « coups d’arrêt gaulliste » du 30 mai marqué par une manifestation monstre sur les Champs Élysées de près d’un million de participants,
le 10 mai 1994 et l’élection de Nelson Mandela Président de l’Afrique du Sud après ses 27 ans d’emprisonnement dans les geôles de l’apartheid,
le 10 mai 2001 et la loi Taubira sur l’esclavage,
sans oublier non plus mai 1958et un premier « putsch des Généraux » à Alger qui conduira «au retour aux affaires» de Charles de Gaulle nommé Président du Conseil de la France le 3 juin 1958 « un petit peu grâce à cela » ni une deuxième tentative de putsch, à Alger encore, en avril 1961 de 4 généraux « félons », un putsch contré cette fois-ci par le Président de Gaulle… avec l’aide des soldats du contingent en Algérie…
et bien d’autres événements… qu’ils seraient trop long de citer en ces « jolis mois de mai » comme on les appelle…
Le 10 mai 1981 et l’élection du Premier Président socialiste de la République, quatrième Président de la Cinquième République à l’issu d’une élection présidentielle au suffrage universel instauré par un référendum voulu par Charles de Gaulle et adopté par 82 % de oui et 18 % de non en 1962.
Ce fameux dimanche 10 mai 1981, après deux tentatives infructueuses où il avait néanmoins mis le Général de Gaulle en ballotage en 1965 et où il avait été battu d’extrême justesse par 50,81 % contre 49,18 % par Valérie Giscard d’Estaing en 1974,
à 20 heures, quand son image numérique qui se déroulait sur l’écran télé, après des secondes de doute vu la ressemblance des deux visages des finalistes dans leurs parties hautes,
François Mitterrand apparut dans sa totalité et ce furent des explosions de joie à Paris, à Lille et partout en France, suivies de manifestations d’ampleurs jamais connues auparavant pour une telle circonstance, ni d’ailleurs depuis…
tandis qu’à Château-Chinon dans «l’Hôtel du Vieux Morvan» où il venait régulièrement, en particulier lors de toutes les journées électorales, avant de reprendre la route pour Paris, il avait « laissé tomber » à Jean Glavany qui, dès 18H25, l’informait que les sondages le donnait élu… «Ah bon !»
Depuis mon bureau de l’Hôtel de Ville de Villeneuve d’Ascq , «le modèle» que j’avais préparé sur quelques centaines de bulletins dépouillés me donnait aussi sa victoire dès 18H35, une victoire que j’annonçais alors à mes proches…
De toutes ses déclarations dans les heures qui suivirent, je retiendrai aujourd’hui ses premiers mots depuis Château-Chinon : «je mesure le poids de l’histoire, sa rigueur et sa grandeur».
J’aurai sans doute l’occasion de revenir régulièrement sur ses 110 propositions, dont une petite centaine, rappelons-le, furent mises en œuvre, sur les grands bouleversements qu’il a opéré, sur son rôle européen majeur, sur les tensions qui s’opèrent toujours quand on est dirigeant entre les rêves suscités et les réalités avec lesquelles «il faut faire», sur certaines déceptions donc, et des déceptions certaines, même si élu en 1981 par 51,76 %, il sera réélu en 1988 par 54,02 %, un cas finalement unique de 14 ans consécutifs
Puisse, de là « où il est aujourd’hui », François Mitterrand ne pas voir les dirigeants socialistes s’agiter depuis, eux qui auront amené le socialisme français au niveau où François Mitterrand avait réduit un communisme alors encore « aux couleurs soviétiques ».
Quand je repense à mes années de militantisme à la SFIO, à la FGDS, au PS et à Rassemblement Citoyen, à mes années d’élu de Villeneuve d’Ascq dont celles comme Maire, mes 6 ans au conseil général, mes 15 ans au Parlement européen et mes années à la CUDL, je me dis parfois : tout ça pour ça ?…
Avec, me concernant, de nouvelles «images» en vrac qui s’ajouteront dans mes multiples « carnets retrouvés » :
– Le référendum de 1962 sur l’élection du Président de la République au suffrage universel quand presque tous dans le monde politique de l’époque militaient pour le NON, un NON qui finalement ne fit que 18% … (une belle première pour le jeune de 17 ans que j’étais…et qui avait milité pour lui)
– Sarajevo et «La nuit» organisée en 1994 à la Rose des Vents pour cette ville martyre en lien et avec «Mères pour la Paix»
– Mes négociations sur la Ville Nouvelle avec le Ministre Comte d’Ornano qui voulait nous imposer 2 500 logements nouveaux par an durant 3 ans en contrepartie d’une subvention budgétaire pour boucler notre budget communal de 1977, un nombre de logements que heureusement je n’ai pas construits car qui auraient fait de nous sans doute une ville avec des problèmes comparables à ceux des banlieues parisienne, lyonnaise, grenobloise , marseillaise ou strasbourgeoise… en obtenant quand même malgré tout par ailleurs du Ministre le financement d’un mur antibruit au cœur de la ville le long de la RN 227 (boulevard du Breucq)
– La création d’une technopole après le congrès des Sciences Citys à Kyoto, la seule au nord de Paris durant 15 ans
– Mes rencontres avec le Haut Commissaire du commissariat à l’énergie atomique (CEA) que j’ai failli intégrer si « l’Elysée de Jacques Chirac » l’avait accepté
– Mes multiples et riches contacts avec Laurent Fabius et Jacques Delors, deux «grands»… à Paris, à Bruxelles, à Strasbourg et Jérusalem
– Une réunion au Vatican où «on» a voulu nous imposer d’intégrer dans la Constitution Européenne une référence à ses racines chrétiennes, cette constitution ayant d’ailleurs été refusée en mai 2005 par référendum en France
– La visite en Mer du Nord d’une plateforme gazière norvégienne
– Une rencontre avec le «Sinn Féin» en Irlande du Nord … «tous feux éteints» dans la campagne ..
– Une visite pourtant «interdite» du «plateau du Golan» depuis lequel, avant sa conquête partielle par les Israéliens, les Syriens bombardaient Israël
– Pierre Mendès France à l’Élysée le 24 mai 1981 au cotés duquel j’ai assisté à l’intronisation du Président Mitterrand
– La découverte de Kyoto, de ses temples bouddhistes et de ses lieux mythiques qui ont largement « valu » en 1945 à Hiroshima d’être choisie pour la première bombe atomique
– L’aventure du projet «Soleil», un Synchrotron que les Parisiens ont finalement réussi à conserver
– le 6ème PCRD (programme cadre de recherche européenne) où en tant que rapporteur je ne vis les conseillers de Jospin, alors Premier Ministre, qu’à la veille du 2ème tour de vote au Parlement européen pour m’entendre menacé de ne pas voir la France l’accepter si le nucléaire y était «écorné»… (exit tout le reste…)
– La découverte d’Anchorage en Alaska en escale à 4 heures du matin après un survol du Pôle Nord quand ,pour aller au Japon, il fallait ne pas survoler l’URSS
– Un spectacle à l’Ile de Gorée au Sénégal «qui finit en panique» pour les «invités blancs» dont j’étais alors qu’il s’agissait de journées mondiales contre l’Apartheid…
– Un «saut de puce» chez Félix Houphouët-Boigny à Yamoussoukro son village natal qu’il a fit capitale politique… son palais, ses crocodiles et «une belle manière» de nous montrer son mépris
J’arrête là pour aujourd’hui une liste très incomplète … tant elle est longue vus mes nombreuses années d’élu, de vie professionnelle et élective et mes décennies de militantisme… toujours dans le Camp du Progrès… sans oublier mes rencontres régulières avec François Mitterrand tout au long de ses deux septennats, avant d’ailleurs, pendant bien sûr et même après jusqu’au 10 novembre 1995 pour un dernier entretien rue Frederic Leplay
Tout cela pour dire quand même : que d’étoiles filantes politiques ai-je vu dans un sombre ciel… !
Les affrontements dans «l’ancien monde» y étaient parfois brutaux, directs, rarement pervers comme avec les réseaux internet et les tweets qui sont à l’image de la pensée de bon nombre de nos dirigeants…
Au demeurant mon travail à Villeneuve d’Ascq, à la Métropole de Lille, en France et en Europe ne sont pas encore terminé.
je n’ai jamais cessé de le dire et le rappeler…
Je le dis aujourd’hui en rappelant François Mitterrand, le Grand Président qu’il a été.
Je ne cesse, en le citant, de redire la pensée profonde, l’humanité et parfois les désarrois , «Un homme pour l’Éternité».
J’ai tant encore à écrire que je suis loin d’être sûr d’en avoir le temps… ni même d’avoir finalement tant de citoyen(ne)s que cela intéresse.
Je terminerai donc mon carnet d’aujourd’hui « presqu’intemporel » avec Albert Camus et un extrait du «Mythe de Sisyphe» :
«La lassitude est à la fin des actes d’une vie machinale. Mais elle augure en même temps le mouvement de la conscience. Elle éveille et elle provoque la suite.»
Et pour conclure la parole à François Mitterrand,
« La Terre, notre amie, prodigue ses merveilles , je la contemple depuis l’enfance sans épuiser jamais cette faculté d’étonnement qui naît de la beauté et qui donne l’obscure envie de remercier quelqu’un… »
Une Terre et des Hommes… dont nous sommes comptables en cette période de violences mortifères, de guerre, d’épidémie, d’égoïsmes en tout genre, de solitude, cette solitude dont Camus confessait« qu’il y a dans chaque cœur un coin de solitude que personne ne peut atteindre »,
un coin de solitude que François Mitterrand connaissait bien…. et il n’est pas le seul…